SNCF : y a-t-il vraiment un moyen de voyager 2× moins cher ?

Dans cet article paru début juillet, la promesse est belle : « Et si vous pouviez voyager en train cet été… pour deux fois moins cher ? Cet été, la SNCF réserve aux voyageurs un petit secret : une astuce toute simple, mais redoutablement efficace, pour alléger la note. Oubliez le stress des prix qui grimpent – vous pourriez bien partir à moitié prix, pour la même expérience et la même belle vue ».

Quand on fait du Yield Management son métier, on sait bien qu’aucune astuce ne permet de telles économies. Et qu’il n’y a pas de petit secret à révéler.

La journaliste Loulou Pellegrino, de Mode & Travaux, relaie une information tout à fait juste par ailleurs : certains trajets longs peuvent être moins chers que des trajets plus courts, alors qu’ils empruntent les mêmes rails et desservent les mêmes gares. C’est vrai sur certaines lignes, en fonction de la demande ou de la concurrence.

Par exemple un Paris-Marseille, concurrencé par Air France et Vueling, peut se révéler moins cher qu’un Paris-Avignon alors même que le train s’arrête à Avignon avant de desservir Marseille. Pour aller à Avignon à un tarif avantageux, il suffirait donc de réserver un Paris-Marseille et de descendre à Avignon. Et c’est parfois vrai.

Voici la fameuse astuce… Mais elle n’est valable que dans de rares cas. Et ne permet certainement pas de payer 2 fois moins cher. Les exemples fournis par la journaliste elle-même sont d’ailleurs éloquents :

• Première tentative : « Concrètement, il suffit de réserver un trajet plus long que nécessaire : par exemple, plutôt que d’acheter un Paris–Strasbourg à 122 €, optez pour un Paris–Mannheim à 68 €, le train passant par Strasbourg » (soit 44% d’économie).

Mais ce que l’article ne mentionne pas, c’est que l’astuce ne fonctionne pas pour le trajet retour. Car un billet Mannheim – Paris ne vous autorise pas à monter à Strasbourg. Vous avez l’obligation de monter à bord sur votre gare de départ. Et sur celle-ci uniquement. S’il y a des portiques automatiques, vous serez refoulé. S’il y a un contrôleur, vous serez redressé.

En réalité, les 44% d’économie ne concernent qu’un trajet sur les deux. Soit en réalité 22% d’économie sur votre séjour, et non 44% (en supposant que le retour coûte autant que l’aller).

Ce trajet Paris–Mannheim est présenté comme « un exemple », sous-entendu « parmi tant d’autres ». En réalité, cette configuration est la seule qui permette une telle économie, et aucun autre cas similaire n’a été trouvé.

Les exemples suivants trahissent la vacuité de l’annonce :

• « Paris – Angers (89 €) devient Paris–Nantes (70 €) avec un arrêt à Angers », soit -21 % sur l’aller, mais seulement -10,5 % en aller-retour, car cela ne fonctionne que sur l’aller.

• « Paris – Marseille (109 €) peut être réservé jusqu’à Toulon (99 €) pour descendre à la cité phocéenne », soit -9 %, ou en réalité -4,5 % en aller-retour.

• « Montpellier–Belfort (114 €) se transforme en Montpellier–Strasbourg (92 €), avec une étape intermédiaire », soit -19 %, ou -9,5 % en aller-retour.

Où sont passés les 50 % d’économie promises ? L’astuce soi-disant « redoutablement efficace » qui vous ferait voyager deux fois moins cher ? En réalité, il faut se rendre à Strasbourg et choisir le bon horaire pour atteindre, au mieux, environ 20 % d’économie en aller-retour.