La Poste : pourquoi monter les prix ne sauvera pas le courrier ?

La Poste : pourquoi monter les prix ne sauvera pas le courrier ?

La Poste augmente ses prix pour compenser la baisse du courrier. Mais cette stratégie risque de creuser encore plus le problème...

C’est une bien curieuse façon de faire du pricing.

Une nouvelle fois, La Poste augmente ses tarifs. Selon Le Monde, qui rapporte les propos du PDG de l’entreprise Philippe Wahl, elle le justifie par « la diminution constante de l’utilisation du courrier » qui lui fait perdre chaque année 500 M€ de chiffre d’affaires. L’activité courrier est passée de 50% du CA en 2010 à moins de 15% en 2024 (pour un CA total de 34,6 milliards d’€ en 2024).

Dans un exercice purement comptable, la direction générale de La Poste imagine donc équilibrer l’exercice avec une hausse du prix pour compenser la perte de volume.

C’est bien connu, quand la demande n’est pas là, on monte le prix. Projetons-nous dans 10 ans, avec un volume de courriers en baisse de 80% et un prix du timbre qui sera multiplié par 5 pour atteindre 7,60€. On peut extrapoler et imaginer un jour un prix du timbre à 1 520 €. Cela arrivera quand la baisse de volume aura atteint 99,9% (autant envoyer un livreur en limousine).

Ce n’est pas la première fois que nous sommes confrontés chez Revbell à ce genre de réflexe pavlovien : la demande baisse, on monte mécaniquement le prix pour compenser. Des clients aussi diversifiés que la billetterie, les résidences de tourisme ou les parkings nous ont interrogés sur ce sujet, pris au piège d’une demande en baisse et d’un prix devenu fou parce que la cellule Excel l’exige. Mais les arbres ne montent pas jusqu’au Ciel. Les prix non plus.

Le premier réflexe devrait être au contraire de baisser les prix pour redonner de l’attrait au produit. En parallèle, de faire évoluer l’offre. Par exemple la digitaliser.

  • Pourquoi ne pas abandonner purement et simplement la vente physique de timbres et d’enveloppes pré-timbrées qui ne sont jamais à la bonne dimension et au bon niveau d’affranchissement, selon le besoin du moment ?
  • Pourquoi ne pas imaginer des solutions du type QR code intégré à l’enveloppe avec prélèvement automatique en fonction du poids ? On crée un compte, on achète une floppée d’enveloppes et on fait comme sur l’autoroute lorsqu’on est bippé sur les péages automatiques. On est débité en fonction des tronçons empruntés. Ici, on serait prélevé en fonction du poids de chaque enveloppe envoyée.

L’offre n’est plus adaptée. C’est pénible d’acheter des timbres, de peser l’enveloppe, d’ajuster le prix en fonction du poids, de voir que les timbres ne collent plus, ou n’ont plus la bonne valeur. On mixe des timbres qui prennent la moitié de la taille de l’enveloppe pour essayer d’affranchir au bon prix. C’est d’un autre temps. Il est urgent de bouger (c’est le slogan de la Poste, non ?).

Bref, il faut faire évoluer le produit, innover, pour coller non pas à l’enveloppe mais à la demande, et reconquérir ce marché. Quitte d’ailleurs, si le service est innovant, à faire payer un peu plus cher ou avec un petit abonnement comme pour les badges autoroutiers. Réfléchir au prix ne peut pas se faire sans réfléchir au Produit.

Les solutions sont sans doute nombreuses, en tout cas elles méritent d’être explorées. Mais la paresse intellectuelle l’emporte bien souvent. C’est dommage pour tout le monde.

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